Automne 2015. Alors qu’une chaleur inhabituelle s’attarde sur l’Europe, une femme se rend en Autriche pour écrire un article sur les conditions d’accueil des réfugiés. Elle se prénomme Sarah. Elle est psychologue, vit à Paris avec Paul, un intellectuel connu pour ses écrits sur la fin du monde, avec qui elle a un enfant.

A Vienne, elle rencontre Richard, un musicien mondialement célèbre. Ils se voient, ils s’aiment. Elle le fuit puis lui écrit de retour en France. Il vient la retrouver. Pour Sarah, c’est l’épreuve du secret, de 2 vies toutes aussi intenses, menées de front, qui se répondent et s’opposent, jusqu’au point de rupture intérieure : à l’occasion d’une autre enquête, sur l’extermination des enfants dans un hôpital psychiatrique autrichien, ses fantômes vont ressurgirent. S’ouvre alors une fresque puissante et sombre sur l’amour fou, où le mal familial côtoie celui de l’histoire de la fin du XIX ème siècle aux décombres de la deuxième guerre mondiale, de l’Afrique des indépendances à la catastrophe climatique de ce début de millénaire.

Roman dense, sombre. Roman qui secoue. Roman dont on ne sort pas indemne. Récit désordonné : passé, présent et la vision apocalyptique du futur. C’est vertigineux, la noirceur est partout. Le mal règne en maître.

Une écriture brute et riche donne toute sa force à l’histoire et emporte le lecteur. On suit les folies de l’humanité et leur folie amoureuse. On avance ainsi dans le roman, au fil des pages et grâce aux temporalités multiples on assemble peu à peu le puzzle !

C’est une réflexion lucide et sans concession sur l’Histoire, la maladie, l’enfance maltraitée, le chaos social, économique et climatique. Mais c’est surtout, à mon sens, une vision de l’amour fou. C’est un constat d’un monde en ruine où une lumière subsiste et illumine un autre chemin. “Les enténébrés” est aussi un livre de luttes.

J’ai choisi de chroniquer cet incroyable roman sous l’angle de la passion amoureuse. L’auteure dit l’intime sans fard, sans pudeur parfois.

Cet amour pour Richard, je le nomme électif, c’est celui qui lui fait choisir ce musicien âgé et nul autre, celui qui est plus fort que tout. Sarah a la volonté d’aller jusqu’au bout, tout en étant consciente du risque encouru : Remettre en question son bel équilibre, sa vie rangée avec un mari qu’elle aime, une petite fille merveilleuse, son métier de psy, sa passion pour la lecture et l’écriture.

Trois éléments partagent la vie de l’héroïne. Derrière elle, un passé destructeur et d’une noirceur absolue. Devant elle l’annonce de la fin du monde. Et entre ces deux mondes quelque chose lui maintient la tête hors de l’eau, quelque chose peut la sauver de la malédiction familiale. Ce présent, ici présenté, se conjugue avec la musique et le verbe aimer. Roland Barthes parle de “déréalité”, un retrait de la réalité éprouvé par le sujet amoureux face au monde. C’est peut être aussi ce que recherche Sarah auprès de Richard.

Cet amour inclassable qui fascine. Il est l’image singulière qui est venue miraculeusement et de façon inattendue répondre à la spécialité de son désir.

Cet amour fou qui se distingue par son intensité, sa profondeur des sentiments. Avoir l’autre dans la peau, émotion fulgurante. Voltaire le dit bien “L’amour est de toutes les passions, la plus forte : elle attaque à la fois la tête, le cœur et le corps”

L’amour comme remède aux cruautés personnelles, historiques, à la misère économique, sociale qui règnent autour de soi.

Peut on aimer, réellement aimer, plusieurs fois et surtout 2 personnes à la fois ? Peut on aimer en secret sans faire souffrir ?

On ne peut pas tout partager, il faut s’aménager un jardin secret, préserver et protéger l’autre. Avec l’âge on acquiert cette sagesse fondamentale qui nous indique les rêves qui sont à partager et ceux qui sont à garder secret. Sarah ne dit elle pas ” Nous ne faisons rien de mal, ni ne faisons souffrir nos proches tant qu’ils ne savent pas”

L’amour ce n’est pas une histoire de perfection, c’est brut, c’est vivant, immensément présent. C’est accepter “l’affrontement” de deux mondes que le hasard (?) et quelques affinités ont réunis. Offrir et s’offrir sans retenue.

Je ne dévoilerai rien de plus de ce roman à multiples tiroirs. Je laisse à chaque lecteur la possibilité de vivre “son” roman.

Laissez vous entraîner par Sarah Chiche, allez à la rencontre des enténébrés, leur part sombre mais pas que !!!

Belle découverte littéraire. Ma prochaine lecture “Saturne”

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *